L’article discute des questions de fond, mais, il verse dans l’unitarisme viscéral, suicidaire. Bien que le sujet anticipe sur l’histoire, il vaut la peine de le traiter, même partiellement, pour prévenir et couper cours à certaines illusions. Les congolais en effet ne sont pas dupes, mêmes quand ils se taisent, pour méditer, leur histoire, leur avenir.
Il blesse aussi notre sens du respect des cultures et requiert une réaction conséquente : le choix du lingala comme langue de l’armée n’était pas seulement colonialiste, raciste, mais malheureux à plusieurs égards. L’armée du colonisateur était le bastion de ceux que celui-ci considérait comme bon pour le vol. Certains de nos compatriotes en ont sorti l’expression « ngalangulu » pour dénigrer nos frères lingalaphones. L’auteur de l’article ci-dessous, dans sa livraison repris ici-bas ignore sans doute cette histoire malheureuse ou participe volontairement à semer la zizanie entre congolais, oubliant qu’après l’imposture, le défi à relever sera celui de gérer nos langues dites nationales. Et comme nous le disait un compatriote belge, en pensant à son passage au service militaire, plusieurs parmi nous qui voudraient encore réserver l’armée aux « abrutis » aux « vaut-rien », comme le voulait le colonisateur, pour mieux nous subjuguer. Nos dictateurs aujourd’hui, à dessein, ne peuvent quitter cette logique, ni permettre à nos nations de se lancer dans une démarche qui aille à contrecourant, animés des même intentions que leurs géniteurs-protecteurs. Comment pourrons-nous bâtir une armée moderne avec une telle mentalité ?
Le lingala est une langue à part entière et est la propriété de ses locuteurs à qui nous devons du respect pour ce qu’ils sont et pour ce qu’ils ont apporté à notre pays que nous ne recenserons pas ici. Il n’est donc ni à privilégier dans notre armée par rapport aux autres langues comme cela l’est jusqu’à présent, malheureusement ; non plus qu’il n’est à dénigré dans notre pays, mais plutôt à promouvoir, tant qu’il peut aider une frange de notre nation à communiquer aisément, sans buter aux arcanes des langues étrangères, importées par la colonisation.
Le choix du langala comme langue de l’armée est malheureux, diviseur, colonialiste et séparatiste ; et de ce fait à rejeter à la première occasion, mais proprement. Elle ne permet en effet aux autres langues de notre nations de s’exprimer dans notre armée au même titre que le lingala. Ce choix participe au grand jour à la spoliation des autres langues du pays, à la décoloration de notre culture congolaise, à la perte de notre identité multiculturelle. Le devoir de correction de ce choix colonial (avant 1960) et colonialiste (après 1960) revient aux non-lingalaphones qui doivent dans la forme et les prescrits de la loi revendiquer le droit à l’égalité de traitement. Nous ne pouvons pas continuer à exiger de nos enfants d’apprendre autant de langues étrangères pour accommoder certaines personnes motiver par l’esprit de domination qu’ils cachent mal. S’il est vrai que pour un temps, nous devront supporter le lingala dans l’armée, il n’en reste pas moins vrai que tout devra être fait, après avoir eu raison de l’imposture, soit, pour remplacer le lingala par la langue dite nationale aujourd’hui, le français, soit faire du langala notre nationale pour que son imposition à nos militaires se justifie ! Le choix me paraît clair, même s’il est regrettable, pour nous touts d’ailleurs. Nous eussions en effet préférer que notre langue nationale fût une de nos langues vernaculaires. Or, le swahili, langue dominante au Congo, serait prioritaire au lingala, dans un choix démocratique.
Il est vrai que nous congolais avons la manie de tout quémander. Cette mendicité outrancière nous vient de bien loin ! Elle nous a valu la traite d’esclave et la colonisation. Elle nous a aussi valu le joug de la dictature et aujourd’hui elle nous vaut le joug de l’imposture.
L’indépendance véritable du congolais passe par une extirpation de cette tare de notre nation. Nous ne voyons pas comment il pourrait en être autrement. Or, les faits montrent clairement, à qui veut ouvrir les yeux, que Kinshasa ne s’engagera jamais sur cette voie-là.
From: Louise Sibalingana [mailto:louisekisokolo@yahoo.fr]
Sent: lundi 3 février 2014 23:48
To: Graphèle Paluku-Atoka Uwekomu
Subject: Tr : [vathunga] Fw: L’Africom ne formera pas une armée congolaise intégrée
Le Jeudi 30 janvier 2014 5h53, Vyavuka Masimasi <vmasim@yahoo.com> a écrit :
Pour votre lecture…
—– Forwarded Message —–
From: Pascal Kambale
Sent: Tuesday, November 27, 2012 7:29 AM
Subject: L’Africom ne formera pas une armée congolaise intégrée
L’Africom ne formera pas une armée congolaise intégrée
Opinion
Par Leny Ilondo
Le Potentiel – Kinshasa
30 aout 2010
Je viens de lire la réaction du général Malu Malu à l’intervention du professeur Biyoya sur l’implantation de l’Africom en RD Congo. Vos avis, Messieurs, divergent selon les priorités et les perspectives de chacun. Le professeur Biyoya souligne que le pays a besoin des investissements durables des Américains pour booster notre économie au lieu de nous fournir un arsenal que nous ne saurons nous en servir (c’est moi qui ajoute). Pour le général, il est préférable de continuer avec l’Africom pour bâtir une armée dont la puissance dissuasive assurera la venue des investisseurs américains, car leurs investissements seront sécurisés. Vous convergez tous les deux dans un tunnel sans fin ; vous attendez tout, alors tout, des Américains. C’est une caractéristique congolaise : attendre tout de l’étranger. Quelle erreur de jugement !
Je ne suis pas officier d’Etat-major formé dans une académie militaire de renom. Je ne suis pas non plus professeur de stratégie politique. Mais, permettez que j’intervienne ici pour émettre une opinion de bon sens et présenter un argument que plus d’un, j’en suis certain, trouveront plausible.
L’armée d’un pays ne se construit pas avec le concours d’un autre pays quel que soit le degré d’amitié, de pitié (coopération) ou d’intérêt (exploitation). Une armée est toujours le reflet de la vision et de la volonté des gouvernants d’un pays. Sa mission primaire est la sécurisation du territoire et, seconde est la défense des intérêts nationaux à l’étranger. C’est pourquoi, on ne déclare pas la guerre contre son propre pays, mais contre des ennemis qui ont violé l’intégrité territoriale. On déclare aussi la guerre par une action préventive, en représailles contre ou encore en poursuite de l’ennemi au-delà de nos frontières.
Pour atteindre sa mission et les objectifs déclinés ci-dessus, une armée se définit et se constitue comme un corps organisé et structuré verticalement. Elle obéît aux règles simples d’uniformisation, de standardisation, de formation et de motivation. Uniformisation se traduit d’abord par l’adoption d’une langue pour faciliter la communication entre les troupes, donc un langage commun. C’est ainsi que la force publique avait imposé le lingala pour ceux qui ne le savent pas ou veulent le méconnaitre. Il y a par exemple la tenue militaire, elle distingue les différents corps d’armée. Standardisation veut dire :
a) mêmes types de formation de base ;
b) mêmes armes de combat avant intégration dans unités spécialisées ;
c) mêmes moyens de communication ;
d) mêmes critères objectifs d’avancement en grade ;
e) même organisation logistique…
De nos jours, la formation militaire se diversifie et intègre de plus en plus toutes les branches sophistiquées dans des sciences existantes. D’abord, le cursus de l’académie militaire obligatoire : ne devient pas général qui veut. Les formations appropriées et spécialisées sont réservées à ceux qui disposent de l’intellect suffisant et des compétences requises pour avancer aux grades supérieurs de commandement. C’est pour cela, aujourd’hui, dans les grandes universités du monde, il n’est pas rare de voir des majors, colonels et généraux défendre des thèses de doctorat dans diverses disciplines. Il sied de souligner que d’autres formations complémentaires sont liées à l’évolution des technologies nouvelles et aux spécialisations en vertu des objectifs purement opérationnels. En définitive, l’armée est un corps d’intellectuels éclectiques et non un agrégat de désœuvrés. Dans les pays développés, les colonels et généraux à la retraite se retrouvent dans le management des projets, dans des entreprises privées ou mieux dispensent des enseignements dans les instituts supérieurs ou dirigent des recherches dans les différents centres ou laboratoires.
La motivation est le déterminant pour consolider et pérenniser l’armée et surtout pour gagner les guerres. La sécurité intérieure commence par la sécurité sociale du soldat et des officiers. Un soldat même hyper armé, mal rémunéré et dont les conditions sociales sont inférieures aux risques de sa vie, n’obéira point aux ordres. Il deviendra un mutin, un danger pour la société. Souvenons-nous des pillages de triste mémoire et des cas de viols de nos sœurs dans l’Est du pays. La discipline est la mère des armées, mais elle repose sur des conditions sociales minimum.
Est-ce que nos dirigeants intègrent ces quelques fondamentaux ? Une armée nouvelle ne se bâtit pas par des mixages, brassages ou que sais-je encore. Ils sont inopérants et contreproductifs. Ils déstructurent la cohésion du commandement, frustrent les militaires formés et démoralisent les non gradés. Par ailleurs, les grades ne se distribuent pas. Ils se méritent à travers la formation, le leadership et la bravoure dans l’action. Le chantier d’une armée nouvelle ne se construit pas par une intégration des brigades éparses formées par les Belges au Nord-est, les Américains au Nord, les Français à l’Ouest, les Rwandais à l’Est, les Angolais où sais-je encore… Il va sans dire qu’avec une absence de synergie, il n’y aura jamais uniformisation, standardisation, formation homogène et motivation. Le résultat attendu sera un regroupement de groupuscules désagrégés dotés des équipements non standardisés ou avec des dispositifs non-interchangeables incompatibles avec leurs missions primaires.
Les formateurs actuels de nos brigades viennent d’horizons différents. Les méthodes des uns sont aux antipodes des autres. Les armes et les équipements utilisés durant les formations ne sont pas uniformes ou standardisés. L’Africom, un commandement de l’armée américaine, ne peut pas construire notre armée. De la même manière que la toute puissante armée américaine peine à construire une armée en Irak après huit ans d’invasion. Les milliards de dollars des contribuables américains sont engloutis pour rien. L’insécurité en Iraq est plus que préoccupante. Elle est la résultante de la dissolution inconsidérée de l’armée irakienne de Saddam Hussein, un corps alors organisé et structuré verticalement malgré l’embargo d’avant l’invasion.
Aujourd’hui, les investisseurs évitent l’Iraq en dépit des profits potentiels énormes à y réaliser. Il ne suffit donc pas d’avoir la plus puissante des armées pour attirer les investisseurs. Une armée n’est qu’un des piliers du dispositif général de sécurité pour l’économie d’un pays. Sous d’autres hémisphères, ce pilier est aléatoire ou inexistant. Plusieurs pays ne disposent pas d’armée et d’autres envisagent leur dissolution. En revanche, leurs économies sont des plus prospères avec des PIB de loin supérieurs à ceux des pays dont les officiers sont formateurs d’une de nos brigades. Singapour a un PIB, un taux de croissance annuel de loin supérieur à la Belgique.
Ce qu’il faut exiger, c’est la sécurité juridique. Que nos gouvernants respectent nos lois et y fassent appliquer toutes leurs rigueurs aux contrevenants. Que l’Etat cesse de se confondre en Etat puissance publique, Etat actionnaire et Etat justice. Que les gouvernants cessent de signer des contrats un jour et les dénoncer le lendemain. Doing business est une question de rigueur de respect de la signature souveraine qu’on n’appose pas après une coupe de champagne avec un étranger au détriment du Congolais. Un autre pilier pour attirer les investisseurs est la qualité de l’éducation et la formation de la population active. Aussi longtemps que nos gouvernants sont manifestement complices dans la spoliation des écoles publiques et la paupérisation de l’ensemble du corps enseignants, les investisseurs hésiteront à venir. La création des richesses dépend aussi de la qualité du capital humain capable de travailler.
Pour conclure, de nos jours, la gestion d’une armée ou la création d’une armée nouvelle répond aux principes de management. Pour y arriver, les leaders investis dans cette mission doivent avoir accumulé des expériences de gestion de grands ensembles pour entreprendre la restructuration, le redimensionnement ou la création d’une armée nouvelle. Ce challenge revient de nos jours aux managers civils. Ils procèdent aux restructurations des grandes armées du monde. Oui, les managers civils sont ceux-là aussi qui dispensent les meilleurs enseignements sur les stratégies dans les académies militaires les plus réputées. Oui, toujours eux, les civils, ils fabriquent et mettent à la disposition des armées tout ce dont elles ont besoin en équipements militaires standardisés en passant par du papier toilette jusqu’à la bombe atomique. Le débat étant lancé par un scientifique et un général formé, moi, un civil et citoyen de mon pays, je donne aussi de la voix à cette question fondamentale de la formation de notre armée nouvelle.
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