Le développement culturel du Congo-Kinshasa est l’une des entreprises les plus difficiles à tenir. Le pays est fortement multiculturel tandis que nous n’avons appris à gérer la complexité dans aucune de nos école. Cela explique que beaucoup de ceux qui ont essayé de diriger le Congo-Kinshasa ont fini par échouer. Comment et pourquoi plus précisément ?
Parce que le Congo est une vaste mosaïque de cultures. Un territoire aux mœurs, aux coutumes et us différents ; et parfois même, fortement opposés, plutôt que d’être complémentaires. Gérer le culturel congolais est donc un défi. Cette gageure ne sera relevée que par un génie managérial du développement culturel. Et comme la sagesse et l’intelligence sont des vertus très mal distribuées sur terre, l’on peut comprendre pourquoi beaucoup de gouvernements échouent et échoueront encore le développement culturel du Congo. C’est ainsi que cela l’est depuis l’indépendance factice du 30 juin 1960. Une indépendance dont plusieurs s’attendaient pourtant qu’elle permette aux cultures congolaises de mieux s’exprimer et de plus se développer. Nous nous attendions à ce que nos cultures puissent mieux se défendre, face à la culture occidentale qui se faisait et se fait encore envahissante. Mais aussi nous nous attendions à ce que nos cultures puissent mieux se compléter. Nous espérions qu’elles se conjugueraient bien, en vue de créer en Afrique Centrale un état fort, culturellement parlant. Nous brûlions du désir d’être exemplaires, pour le reste du continent africain, sur tous les plans ailleurs, au regard de nos atouts, de nos richesses, culturels. Cela n’est pas le cas aujourd’hui. Tout indique qu’avec le présent gouvernement, le culturel congolais ne sera que détruit. Empoisonnement, arrestation arbitraire, clientélisme, pillage de la nation, médiocrité dans le travail, trahison de la nation, peur de l’autorité, complexe d’infériorité, démagogie et autres choses semblables, sont nos nouvelles mœurs.
La multiplicité de langues est l’autre obstacle à la communication entre congolais, d’une part ; et, entre les congolais et les autres nations, d’autre part. Ceci rend cher et coûteux, dans le sens complet tu terme, toute dialogue entre congolais, entre congolais et non-congolais. La langue officielle, le français, n’est pas pratiquée dans la vie de tous les jours. Même dans nos écoles, instituts et universités, c’est par obligation, à contre cœur, que plusieurs d’entre nous l’utilisent. Lorsque le français est utilisé, dans les cérémonies officielles particulières, c’est une frange importante de la population qui ne comprend pas bien ou qui ne saisit pas du tout le sens des discours. Les chocs des idées ne sont de ce fait pas suffisants ou sont biaisés. La création d’une dynamique vraie de développement culturel, scientifique, technologique et autre n’est donc pas facile si une stratégie n’est pas mise en œuvre pour solutionner la question linguistique, dans la quetion culturelle.
Notre armée et notre police sont un autre problème social et culturel du fait qu’elles travaillent, traditionnellement, en lingala, principalement ; et bien rarement en français. Ne sachant pas manier le français correctement, et même nos quatre langues vernaculaires, notre police et notre armée représentent, dans certaines contrées de notre pays, une insécurité culturelle à arrêter le plus rapidement possible. Elles sont de ce fait des sources d’autres insécurités qui font que le citoyen et ses biens ne puissent être correctement protégés. Nos populations ne peuvent en effet être protégés que par des hommes et des femmes qui intériorisent leurs cultures, à commencer par leurs langues. Nous avons manqué du génie jusqu’ici pour (1) nous rendre compte de ce fait ; (2) trouver comment optimiser la gestion de nos cultures pour le bien de notre développement culturel, mais aussi de notre développement intégral, en ce compris la securisation de notre territoire.
Le Projet 2014 est un cadre qui nous offre la possibilité de créer ce génie. Nous travaillons en effet à trouver comment bien exploiter toutes nos valeurs, tous nos atouts culturels dans la perspective de notre développement intégral.
Le troisième facteur intérieur qui compromet notre développement culturel est une mauvaise politique de voisinage, notre politique des relations avec l’extérieur. Les différents responsables politiques congolais ont cru utile de lier le sort du Congo à celui de beaucoup de nations que nous ne connaissons pas assez bien. Certaines d’entre elles ont des habitudes, des usages, des pratiques, des coutumes et des mœurs qui nous corrompent, qui spolient notre culture nationale. Telle celle de piller les enfants dans des mortiers, de manger de la chair humaine, d’empoisonner ses ennemis politiques lâchement, de mentir à tout bout de champ, de falsifer sa tribu, de former des projets d’occupation des terres d’autrui, de tuer sauvagement… À force de continuer sur cette mauvaise lancée, nous nous sommes retrouvés, nous avons conclus des alliances avec des peuples que nous n’aurions pas du fréquenter. Aujourd’hui, le dégât culturel subi est énorme et il faudra des décennies pour les réparer.
Avec sa politique du recours à l’authenticité, le mobutisme avait réussi à donner aux congolais une certaine fierté nationale, même si celle-ci ait été fondée sur quelques antivaleurs qui font encore aujourd’hui notre honte, notre ignominie. Des slogans politiciens nous abrutirent. Le vol du denier public, l’impudence, l’activisme puérile, la dictature, le clientélisme, l’iniquité, l’ignorance, la luxure et la mégalomanie nous tuent à grands feux depuis… C’est aussi à cette époque nous tissâmes certains liens nocifs avec des peuples dont nous n’étions pas des obligés, que nous devrions tenir à une certaine distance, sans leur jeter la pierre, ayant nous-mêmes des efforts à déployer pour polisser nos cultures.
Avec la politique, faussement communautariste, du kabilisme – à ne pas confondre au « kanambisme », nous nous sommes fourvoyés de plus bel. Avec la malice ou plutôt la niaiserie, la médiocrité et l’irresponsabilité politique qui ont caractérisé cette politique, nous n’avons pas accomplis le pas en avant comme nous l’aurions dû. Cela, quand bien même le mobutisme a été fragilisé totalement par l’exil, puis la mort de son fondateur. La swahiliphonie, de réaction à la lingalaphonie, a pris le dessus sur la belle initiative d’introduire l’anglais dans notre enseignement. Une initiative qui a vite été étouffée comme un poussin dans l’œuf. Il eut fallu pourtant selon nous, en profiter pour introduire, en même temps, le portugais aussi dans notre système d’enseignement, utilement ; c’est-à-dire, pour tenir compte du besoin de communication avec tous nos voisins proches et tous nos partenaires hitoriques lointains.
Force est de se rendre compte que l’enseignement de nos langues vernaculaires, dites nationales, soit totalement et expressément bâclé depuis leur introduction dans nos lois. Finalement : nous ne maîtrisons ni nos langues, ni celle que nous avons empruntée à notre colonisateur belge, colonisateur qui, notons-le, est réputé majoritairement néerlandophone.
Plutôt que de nous mettre sur les rails, le kabilisme est mort avec son fondateur. Définitivement, le fondateur du kabilisme nous a laissé sans leader politique, après 4 années d’exercice du pouvoir, dans un parfait amateurisme. Le déficit d’expérience politique, de savoir, de savoir-faire et de savoir-être ont vite précipité le pays dans l’abîme. Bien peu sont aujourd’hui capables de nous en sortir ? Quel est notre péché, notre gravissime faute, notre monstrueuse erreur ?
Notre faute qui demeure, depuis 1960 : c’est la trahison perpétuée de notre nation naissante. Une trahison qui s’explique, en partie, par l’origine coloniale de notre pays et par notre refus de nous mettre ensemble autour d’une table pour discuter du comment gérer notre destin par nous-mêmes. Le fond du problème est notre déficit d’intelligence et de volonté politique. Une volonté politique sans laquelle la mise en route d’un nouvel État, qui définisse clairement notre identité culturelle nationale, ne sera jamais possible. Que font donc nos politiciens ? Qu’est-ce qui motive leurs actes ? Quels sont les projets dont ils sont porteurs ? Quels résultats obtiennent-ils sur terrain ? Comment tirent-ils des leçons du passé ?
Aucun politicien congolais ne nous propose aujourd’hui une définition, une affirmation d’une identité culturelle congolaise claire, démocratiquement acceptable et acceptée. Aucun n’inventorie nos valeurs et nos défauts culturels pour les étudier et nous proposer un projet de développement culturel. Un projet qui soit complet et cohérent. Le pays est conduit à la vue, sans stratégie de court, de moyen ni de long terme dans ce domaine.
Dans l’opposition, beaucoup de voix se lèvent. Des citoyens qui en appellent à la libération du pays. Ce sont notamment ceux qui se font appeler combattants et résistants. La délivrance d’un pays qui ploie sous l’esclavagisme, la colonisation, la dictature, l’imposture, la trahison et la médiocrité dans le travail est leur mission. Très peu parmi ces vaillants patriotes ne savent cependant nous dire pourquoi, pour quelle raison, dans quel but et comment nous libérer. Tous, reprennent des recettes qui ont déjà prouvé leur inefficacité. Très peu s’investissent dans le projet qu’ils proposent à la nation. Certains, travaillant pour leurs propres glorioles, se font tuer par leurs propres amis, sans s’en rendre compte. Plusieurs cherchent, vainement, à imposer leurs projets imprécis au peuple, en nouveaux dictateurs… Le résultat en est que le peuple se réserve. Instinctivement, il présent que la plupart de ces hommes viennent et vont avec une autre dictature, une autre colonisation, un autre esclavagisme, une autre trahison du pays, une autre médiocrité dans la gestion de la chose publique.
Dans le désespoir, le peuple croit n’avoir trouvé qu’une voie de salut : la rébellion. Une erreur de plus, qui salie elle aussi notre culture. Le peuple croit à un changement par la rébellion, même si ce changement tarde à venir, depuis les rébellions des années 60. Il tarde à venir d’autant plus que le pouvoir en place fait en sorte que la communication entre le peuple et ses vrais leaders soit des plus difficiles de la planète. Devant une telle stratégie, seules la sagesse, l’intelligence et la détermination dont feront montre l’opposition arriveront à bout de l’ennemi.
Dans le projet de développement culturel que nous proposons, nous commençons par examiner la complexité du monde culturel congolais, pour être responsables et efficaces ? C’est ce que nous débattrons dans la suite.